Le Moulinage de Laspras
Un patrimoine ardéchois
C’est une page importante de l’histoire de l’Ardèche que l’on visite quand on pénètre un moulinage : ces usines de filature de la soie ont en effet joué un rôle majeur dans le développement économique et social de la région dans les siècles passés.
La filature de la soie est une activité qui a connu son apogée au cours de la période allant de la fin du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle. La soie était une matière première précieuse et recherchée, principalement utilisée dans l’industrie textile pour la fabrication de tissus de luxe. L’Ardèche, avec son climat propice à l’élevage du ver à soie, était un lieu idéal pour développer cette industrie.
Laspras : les dates-clés
1838
Création du moulinage de Laspras
1865
Arrivée de la famille Cotta
1887
Création du deuxième bâtiment : la ferme
1926
Modernisation du moulinage
1970
Arrêt définitif de l’activité du moulinage
Les moulinages étaient souvent implantés près des rivières, exploitant l’énergie hydraulique pour alimenter les machines nécessaires à la filature. Les bâtiments des moulinages étaient souvent imposants, avec leurs grandes cheminées et leurs façades en pierre, reflétant l’importance économique de cette activité. Ces usines étaient souvent le cœur battant de nombreuses communautés, fournissant du travail à des milliers de personnes.
Les ouvriers des moulinages étaient principalement des femmes et des jeunes filles, recrutées pour leur dextérité dans le maniement des métiers à tisser. Ces travailleurs contribuaient ainsi à la prospérité économique de la région, bien que les conditions de travail fussent souvent difficiles. Les moulinages étaient également des lieux de vie sociale, où les travailleurs partageaient des moments de convivialité lors des pauses et des fêtes organisées par les propriétaires des usines.
Cependant, avec l’évolution des techniques de production et l’avènement de nouveaux matériaux synthétiques, l’industrie de la soie a décliné au cours du XXe siècle, entraînant la fermeture progressive des moulinages. Aujourd’hui, certains de ces bâtiments ont été préservés et réhabilités à des fins touristiques, culturelles ou artistiques, (tel le Moulinage de la Neuve à Marcols-Les-Eaux à deux pas de chez nous qui renferme encore les métiers pour « mouliner » et qu’il est possible de visiter ) témoignant du riche passé industriel de l’Ardèche. Les moulinages demeurent ainsi des vestiges emblématiques de l’histoire économique de la région.
Laspras, c'est toute une histoire !
L’usine de Laspras, construite sur la commune d’Albon d’Ardèche, était un moulinage installé sur la rive droite de la Glueyre à 1 kilomètre en aval de Marcols-Les-Eaux. A l’origine de son activité, l’accès à Laspras se faisait par la « vieille route », ce qui explique son implantation sur la rive opposée à celle bordant l’axe routier principal reliant la vallée de Saint Sauveur de Montagut à Mezilhac, axe qui n’existait pas encore…
Une bâtisse édifiée voici 164 ans...
Le 24 mai 1838, Jean-Pierre Gaillard, propriétaire à Garnier sur la commune d’Albon donne à construire à Antoine Moulin (résidant à Albon) et Joseph Pouzet (résidant à Marcols), tous deux maîtres maçons, un bâtiment destiné à une fabrique de soie. L’implantation se fera à la cime du pré dit « pré de l’église ».
L’engagement des travaux est passé pour une somme de 2435 francs. Le maître d’ouvrage fournit le ciment et les pierres de taille. Jean-Pierre Gaillard commande à François Salel, mécanicien au Cheylard, la réalisation de toute la mécanique nécessaire. La facture s’élèvera à 5503 francs. Louis Morel, maître serrurier au Vialard (Albon) sera chargé de la fabrication de 2112 fuseaux pour un montant de 988 francs.
Dès l’achèvement des travaux, Jean-Pierre Gaillard donne son moulinage en fermage à Jacques Giraud. C’est son gendre, Louis-Luc Luquet qui, très rapidement s’y emploiera et le fera tourner.
L'arrivée de la famille Cotta.
Quelques années plus tard, en 1865, la famille Cotta arrive à Laspras.
Le premier, Félix Célestin, venu de la vallée de la Dorne, s’installe comme sous-locataire de Monsieur Luquet, lequel Louis Luquet devient à son tour propriétaire le 20 décembre 1867 pour, trois ans plus tard, le revendre à Felix Célestin Cotta. La transaction se fait pour 18000 francs.
En 1885, Casimir Cotta, le fils héritier de Félix Célestin, fera construire un pont reliant son moulinage à la route en construction sur la rive gauche.
Ce sont les Frères Berthaud, maçons à Saint Pierreville, qui effectueront cet ouvrage pour 1800 francs. En 1887, Casimir fera bâtir un bâtiment à usage de ferme au-dessus du moulinage.
L'activité du moulinage de Laspras au tournant du XXè siècle
L’activité du moulinage de Laspras au tournant du XXè siècle
En janvier 1880, l’usine de Laspras emploie 36 ouvriers dont un contremaître, une surveillante, trois personnes aux « torses », une au doublage et 30 aux tavelles.
En janvier 1900, ce ne sont plus que 23 ouvriers qui sont inscrits sur les registres : une gouvernante, dix personnes aux tavelles, quatre au filage, trois au doublage, trois aux torses, une aux flotteurs et une à des tâches diverses.
De 1865 à la fin du siècle, les Cotta sont marchands et négociants. Ils achètent à Marseille des soies venues de Chine par l’intermédiaire d’une commanditaire. Après les avoir travaillées, ces soies sont revendues d’abord sur la place de Saint Etienne, ensuite à Lyon. Dès le début du XXè siècle, les Cotta deviennent des façonniers qui travailleront pour diverses grandes maisons de soieries lyonnaises.
La modernisation
En 1926, Charles Cotta, fils de Casimir, devenu propriétaire des lieux, modernise son entreprise et remplace la roue de pêche par une turbine. Il avait au préalable acquis tous les droits d’eau depuis le ruisseau de Farousseyres (plus connu sous le nom de ruisseau du Colombier). Il réalise une extension du moulinage par l’adjonction d’une aile qui abritera un moteur à huile lourde (Gardner). Ce moteur produira l’énergie nécessaire en période de trop faible débit de la rivière.
Il poursuit sa modernisation par l’acquisition de moulins plus performants en remplacement des plus anciens.
Son fils Sylvain qui lui succédait accentuait cette transformation par l’acquisition de matériel plus moderne. Il aménageait simultanément la ferme en atelier. Dans les années 1950, il ajoutera l’électricité à l’énergie de la houille blanche.
La fin d'une époque...
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les fibres synthétiques, viscose et polyamide, remplacent la soie naturelle.
Après des périodes en dent de scie, le moulinage de Laspras cessera définitivement son activité en 1970.
Sylvain Cott décidait alors d’acheter les droits d’eau du Moulin de Gauchère afin de créer une nouvelle activité sur le site de Laspras. Il transforme la force motrice hydraulique du moulinage en une production d’énergie électrique qui est revendue à EDF.
Coût de l’engagement des travaux en 1838
Francs
Fuseaux commandés à la création
fuseaux
Coût de la construction du pont en 1885
Francs
Effectif en 1880 sans compter la famille Cotta